Le tapis des pleurs
Vous connaissez ce moment magique, généralement en fin de journée, où fiston (ou fifille) veut tout et son contraire, tout de suite, et ne supporte ni délai, ni contrariété… et que dire du dur apprentissage de la frustration… parfois, un simple «non» suffit à déclencher une onde de choc qui pourrait faire passer Fukushima pour une charmante anecdote…
C’est dans ces moments de crise que le « tapis des pleurs » est l’outil magique qui permet de sauver la situation (et peut-être la sécurité physique de fiston, aussi…)
Illustration : ce soir, après une magnifique journée toute à l’extérieur au soleil pour fiston et maman (pendant que papa faisait les courses, le dîner, la vidange de la piscine et son re-remplissage, la tondeuse à gazon, mais aussi quelques activités pour lui), on commence à préparer le souper sur la terrasse… pêle-mêle, sont disposés sur la terrasse les différents jouets flottants qui ont servis durant l’après-midi à l’éveil de la 8ème merveille du monde, qui, rappelons-le, trône du haut de ses 28 mois sur son domaine…
pendant que maman sort le « café complet » qui servira de souper, papa range un peu, tout en jetant un oeil sur fiston, qui gravite autour de la maison, arrachant ici une herbe, soufflant là un pissenlit, jetant quelques cailloux dans la mare pleine de têtards en transformation. L’ambiance est au beau fixe depuis le réveil de la sieste, et rien ne laisse entrevoir le drame qui va survenir, brutal… papa range, donc… et papa bâche la piscine gonflable… accessoirement, il sort le balai de riz pour donner un coup de propre aux dalles de la terrasse qui ont subi les assauts de feuilles, de fleurs, de toiles d’araignées, de cendres du mouret, etc… papa range ensuite le balai quand fiston (en pleine phase de « Terrible Two ») éructe un autoritaire : « Je veux le balai » l’arrachant des mains du papa, médusé et inattentif…
une brève seconde de flottement, et papa réalise que ce n’est quand même pas le mini-nous qui décide de qui fait quoi… d’autant qu’il s’approche dangereusement des portes fenêtres (en verre, donc) avec le manche dudit balai… explication ferme, mais définitive : "non, tu ne peux pas avoir le balai. on range, et après, on va manger ». Quelques voisins sont déjà sur les terrasses, à savourer l’ambiance calme, estivale et reposante du début de soirée… quand soudain, en réponse au « non », une hurlée déchirante retentit dans le quartier…
« veuuuuuuuuuuuux le baaaaaalaaaaaiiiiiiiiiiiiiiii » !
papa explique, calmement, encore… non… on va aller manger, on rentre…
« mais veux le balaaaaaiiiiiiiiiiii... te dis ! »
ah ?!? on monte en intensité… le ton se fait péremptoire… et là, plusieurs pistes s’offrent au papa affolé
1. les voisins sont-ils déjà à l ‘affût, prêts à appeler « SOS parents en détresse » ? ou peut-être même « SOS enfants frustrés » ?
2. négociation docile ou refus ferme et définitif ?
3. conséquences directes sur l’ambiance du repas du soir ? on se bagarre pour tenir bon ? ou on laisse tomber pour préparer calmement la suite ?
quelques millièmes de secondes (c’est fou ce que l’esprit va vite, parfois) et la décision est prise… bon, faut pas pousser papa dans les orties, d’autant que dure journée malgré tout… la patience est moyennement stable… « Fils, c’est non négociable… tu n’auras pas le balai ! » Et le papa de reprendre l’initiative, de ranger le balai d’une main, de porter fiston qui hurle sa frustration de l’autre… situation claire, mais pas réglée…
- Fils ! papa n’est pas d’accord que tu hurles comme ça dehors, ni dedans… tu veux aller sur le tapis des pleurs ? ou tu te calmes ?
- noooooooonnnn….pas calmer…
- bon, alors c’est le tapis des pleurs ! et quand tu auras fini, tu me dis, et je viens te chercher, ok ?
- nooooooooooonnnnn…
- zou, c’est parti… tapis des pleurs… papa reviens quand tu as fini
(moults pleurs, hurlées, tapage de pieds… mais sur le tapis de jeu dans le salon, à l’abri des vents porteurs qui pourraient emmener les hurlées de fils jusqu’à de voisines oreilles)
5 minutes plus tard… 5 lonnnnngues minutes plus tard… les minutes sont toujours plus longues, quand elles se passent à 130 décibels hurlants-pleurants-morvants...
papa : ça y est, t’as fini de pleurer ?
- ouiiiii…. (sob-sob-snirflll…)
- ça va mieux ? t’as déchargé ?
- ouiiiii…. (sob-sob-snirflllll)
- tu veux venir chez papa ?
- ouiiiiii…. câlinnnnnnn…
papa va chercher fils sur son tapis des pleurs qui est redevenu le tapis de jeu… il porte fils qui lui fait un groooooooos câlin d’amour tout tendre… et la paire est rejointe par maman (qui a été admirable de sang-froid et de non interventionnisme dans cette explication père-fils) pour passer un moment de famille à table, dans le calme, la tranquillité et le bonheur de l’apaisement retrouvé…
Elle est pas belle la vie ?
ouais… elle est belle…
Etofi